Marie-Dina Salvione, Doctorante EPFL, Lausanne
Ce dernier bulletin réunit des articles qui abordent le thème du verre dans l’architecture moderne. À sa manière, Docomomo Québec fait écho à l’événement «Montréal ville de verre. L’histoire d’une innovation», en publiant un numéro spécial dédié à la place du verre dans l’architecture moderne.
Dans le titre donné à cet événement montréalais, c’est le mot innovation qui évoque la révolution que le verre a suscité dans l’histoire de l’architecture moderne. D’ordre scientifique, technologique, idéologique et esthétique, ce renouveau est à l’origine de l’expression du langage moderne initiée dès le milieu du XIXe siècle, puis en évolution rapide et constante jusqu’à la fin des années soixantes. Aujourd’hui matériau en constante progression, le verre sert des bâtiments de plus en plus performants qui, presque cent ans plus tard, feraient sans doute sourire le poète allemand Paul Scheebart. En 1914, son ouvrage Glasarchitektur 1 expliquait en 110 préceptes comment l’usage du verre en architecture allait contribuer à rendre la société contemporaine meilleure; un monde idéalisé où les portes transparentes à ouverture automatiques, les colonnes de verre, les structures d’acier, les partitions transparentes mobiles, l’usage du verre coloré, allaient contribuer à élever la culture allemande de l’époque. Texte fondateur pour l’évolution de l’architecture du XXe siècle, Glasarchitektur influença la pensée de nombreux architectes modernes de l’époque, notamment Bruno Taut qui en incarna les principales idées dans son pavillon de verre construit pour l’exposition du Werkbund à Cologne en 1914.
Le développement rapide de l’industrie du verre est en grande partie responsable du nouveau rapport entre l’architecture moderne et la lumière. La plupart des auteurs attribuent le premier usage moderne du verre en architecture à Joseph Paxton et à son Crystal Palace; immense pavillon transparent de l’exposition universelle de 1851 à Londres. Sur le plan industriel, c’est réellement à partir de la moitié du XIXe siècle que les vitreries à travers le monde développèrent leur technologie afin d’améliorer et de varier les produits verriers disponibles sur le marché. Combiné à l’essor des structures d’acier et à celui du béton armé, l’histoire de l’architecture vit naître le mur rideau et une réthorique de la baie. À eux seuls, ces événements témoignent de changements fondamentaux qui firent évoluer l’architecture du XXe siècle.
D’abord innovation d’une industrie, d’un processus de production, le verre concrétisa les nouvelles problématiques modernistes notamment celle de l’éclairage naturel garant d’une nouvelle qualité de vie pour tous et partout. Synonyme d’hygiène, de santé et de pureté, la lumière du jour allait entrer abondamment dans les espaces de vie et de travail par des grandes baies, puis jusqu’au cœur des édifices grâce au plan libre. D’abord en quête de transparence et de légèreté, les architectes créèrent des bâtiments défiant la technologie grâce à des surfaces de vitrages toujours plus grandes, combinées à l’usage du béton armé et des structures métalliques plus légères et polyvalentes. L’apparition des pans de verre dans les bâtiments industriels modernes débuta en Allemagne avec la Turbinenfabrik de Peter Behrens (1909) et les usines Fagus par Walter Gropius et Adolf Meyer (1910-1911) qui cherchèrent à redéfinir le caractère monumental de ce type d’édifices. L’usine de Behrens présentait en façade une alternance entre lourds piliers de brique et immense pans de verre. Les bâtiments de la Fagus Werke incarnaient quant à eux à un travail de recherche sur les volumes vitrés sans poteau d’angle et sur les fenêtres en bandeau. Le concept du mur rideau paru quant à lui sous la forme d’un projet de gratte-ciel par Mies van der Rohe en 1921, mais fut matérialisé pour la première fois par Gropius en 1925 à l’école du Bauhaus à Dessau.
L’évolution du matériau et des techniques constructives influencèrent rapidement le programme architectural de nombreux types de bâtiments publics et résidentiels. Les usines, les écoles et les établissements de santé devaient pouvoir faire profiter des qualités sanitaires de la lumière naturelle. Cette nouvelle typologie, produit d’une nouvelle pensée hygiéniste, se traduisit par des espaces de travail éclairés, un apport d’air et plusieurs points de vue sur l’extérieur…
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